L’intersyndicale des artistes-auteurs et autrices se réjouit de voir enfin l’Assemblée nationale s’emparer du débat sur l’effet de l’IAG sur le droit d’auteur et sur le travail des artistes-auteurs et autrices, à l’occasion de la table ronde organisée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, sous l’égide de sa vice-présidente, la députée Céline Calvez.
Alors que la transposition de la directive 2019/790 par voie d’ordonnance en 2021 avait privé à l’époque nos député.es d’un véritable débat démocratique, cette table ronde marque une première étape encourageante, qui doit être suivie au plus vite d’un véritable cycle d’auditions et de discussions.
L’intersyndicale regrette que les organisations syndicales et représentations d’artistes-auteurs et autrices n’aient pu s’exprimer à cette occasion, malgré leurs demandes en ce sens et leur présence dans le public. Elle renouvelle sa proposition d’apporter des éclairages à l’occasion d’une prochaine séance inscrite à ce cycle de travail.
Néanmoins, leurs voix ont été en partie portées par Éric Barbier, représentant du Syndicat National des Journalistes, qui avait déjà joué un rôle fédérateur en organisant le Contre-sommet de l’IA du 10 février dernier et en invitant plusieurs de nos représentants à parler des effets de l’IAG sur les métiers de la création.
L’intersyndicale exprime sa gratitude à Madame la députée, Sarah Legrain, qui a permis la présence d’une délégation dans le public. Son intervention sur la nécessaire protection du travail des artistes-auteurs et autrices a été l’écho d’une préoccupation centrale.
Un consensus sur l’urgence d’une régulation
Comme l’a très justement souligné Jean-Philippe Mochon, le président du CSPLA, un socle de consensus a émergé de ces échanges : face à la menace qui pèse sur le droit d’auteur, il est urgent d’interroger le cadre européen qui, à l’heure actuelle, ne garantit pas le respect du droit d’auteur et a des conséquences délétères sur nos métiers de la création.
Alexandra Bensamoun, professeur de droit privé en mission pour le CSPLA, a judicieusement rappelé plusieurs points essentiels : l’exception de Text and Data Mining (TDM) ne peut pas être revendiquée lorsque la source des données n’est pas licite, notamment lorsque les données d’entraînement sont issues de sites pirates. De plus, l’opt-out, censé protéger les auteurs et autrices, s’avère inefficace. Il est, pour l’heure, impossible de vérifier, faute de transparence de la part des acteurs de l’IAG sur les données utilisées, qu’il a été respecté. L’intersyndicale salue enfin son rappel : le triple test, étape essentielle pour vérifier que l’exception respecte le droit d’auteur, doit être appliqué avec rigueur. Or, la Convention de Berne n’étant pas respectée, le droit actuel doit impérativement évoluer.
L’intersyndicale se félicite également de l’engagement des autres intervenants : Éric Barbier (SNJ) dont la démonstration sur l’inefficacité de l’opt-out et l’alerte sur les conséquences sociales et sociétales ont illustré, avec une véritable incarnation, la rapidité et la violence des évolutions en cours ; Pascal Rogard (SACD) qui, à raison, a pointé avec force et conviction les enjeux politiques et économiques et demandé au gouvernement de prendre ses responsabilités en exigeant que toutes les parties prenantes soient réunies autour de la table, sans délai ; David El Sayegh (SACEM), qui a défendu la conditionnalité des aides publiques et rappelé, à juste titre, que le droit à la preuve doit supplanter le secret des affaires lorsque celui-ci est utilisé par les entreprises de la tech pour refuser de garantir plus de transparence ; Hervé Rony (Scam), enfin, qui a souligné que les enjeux ne se limitent pas au seul droit de la propriété intellectuelle, mais qu’ils touchent aussi des questions sociales fondamentales, rappelant, à ce titre, les lourdes conséquences pour les métiers de la traduction, entre autres, qui ne pourront jamais être suffisamment indemnisés.
La France doit reprendre le leadership
ChatGPT connaît une diffusion auprès du grand public depuis fin 2022, et il a fallu attendre mars 2025 pour qu’une discussion fondatrice ait lieu à l’Assemblée nationale. Nous devons rattraper ce retard. La France, où est né le principe du droit d’auteur, doit, avec l’Union européenne, être à l’avant-garde de ces débats.
L’intersyndicale appelle à un retour immédiat à l’opt-in afin de contenir le cadre actuel défaillant.
La question de la défense du droit d’auteur ne doit pas être décorrélée de celle de la défense des métiers et des conditions de travail des artistes-auteurs et autrices. Il faut protéger les ayants droit, mais aussi les travailleurs et travailleuses de tous les domaines de la création en tenant compte des spécificités de chaque secteur de la création.
Imposer la transparence des bases, garantir le respect du droit d’auteur et du consentement des auteurs et autrices, négocier par voie d’accords collectifs des rémunérations appropriées est une voie évidemment, mais cela ne nous permettra pas d’indemniser les préjudices subis du fait du pillage massif de nos œuvres, de la perte de nos activités professionnelles et de l’invisibilisation de notre travail.
Pour sauver nos métiers, d’autres pistes doivent être explorées parallèlement, notamment la mise en place d’un statut professionnel plus protecteur permettant une continuité des revenus pour les artistes-auteurs et autrices, indispensable à la survie de la créativité humaine face au déferlement de l’IAG.
Les initiatives législatives doivent être à la hauteur des enjeux, mais elles doivent surtout résulter d’un travail concerté impliquant tous les représentants des artistes-auteurs et autrices. L’intersyndicale des artistes auteurs et autrices souhaite s’insérer dans ce travail collectif. Elle demande à être pleinement associée aux discussions à venir et à prendre une part active à la construction d’un cadre protecteur pour l’ensemble des artistes-auteurs et autrices.
Pour revoir le contre-sommet https://www.youtube.com/watch?v=8n7UQ8D0uuc&ab_channel=CEIPI