Une enquête menée par le syndicat conclut que près de 90 % des compositrices et compositeurs de musique contemporaine n’ont accédé à aucune aide. La mise en place d’un mécanisme complémentaire est urgent afin de les soutenir.
Comme tous les acteurs du milieu culturel, les compositrices et compositeurs de musique contemporaine, dont la profession est déjà très marginalisée, souffrent profondément des conséquences de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Alors que les salles sont restées fermées la moitié de l’année 2020, toutes et tous perdront in fine l’équivalent de la moitié de leurs revenus annuels. En effet, les reports de créations remplacent les créations qui auraient pu avoir lieu dans les années à venir ; l’activité est décalée, mais les mois de fermetures sont définitivement perdus.
Alors que plusieurs pays, régions et villes en Europe ont engagé le versement d’une indemnité exceptionnelle de soutien aux artistes, dont les compositrices et compositeurs font partie, elles et ils sont en France pour la plupart exclu·e·s des dispositifs de soutien au milieu culturel mis en place jusqu’à présent.
Afin de mieux connaître l’incidence de la crise sur leur activité et les aides auxquelles elles et ils ont pu avoir accès, le Syndicat français des compositrices et compositeurs de musique contemporaine a mené une enquête auprès de l’ensemble de ses membres. Un rapport complet d’une quinzaine de pages, mis à disposition des membres du syndicat et transmis au ministère de la Culture, rassemble les résultats de cette enquête, ainsi que leurs analyses et propose huit préconisations urgentes.
Accès aux dispositifs actuels
La première conclusion de cette enquête et que très peu de compositrices et compositeurs ont eu accès à des aides alors que toutes et tous sont affecté·e·s par la crise : moins de 10% ont bénéficié d’une aide. L’étude du syndicat a notamment porté sur :
- le fonds de solidarité national, ouvert tardivement aux artistes-auteurs ;
- l’aide financière pandémie de l’IRCEC ;
- l’aide d’urgence non-remboursable de la SACEM ;
- les avances exceptionnelles de droit d’auteur de la SACEM ;
- le fonds d’urgence pour les compositeurs de musique à l’image de la SACEM ;
- le fonds d’urgence spectacle vivant de la SACD.
Si des fonds spécifiques existent pour la musique de scène et la musique à l’image, ce n’est pas le cas pour la musique de concert. La mise en place d’un nouveau mécanisme d’aide, spécifique pour les compositrices et compositeurs dont la musique est principalement destinée au concert, est primordial afin qu’elles et ils ne soient pas confronté·e·s à d’importants problèmes économiques dans les années à venir.
Le sentiment général est également que beaucoup d’aides ont été attribuées à des structures, mais très peu aux auteurs directement.
Calcul du montant de l’aide
La majorité des mesures se basent sur une comparaison entre les revenus 2019 et 2020. Or, il apparaît que ce critère n’est pas pertinent pour la plupart, du fait du décalage temporel de la rémunération des compositrices et compositeurs de musique contemporaine. En effet, la rétribution en droits d’auteurs implique que la baisse de revenus correspondant à l’année 2020 sera étalée jusqu’en 2022 au minimum, sans qu’un modèle uniforme puisse être déterminé.
Pour être juste, l’aide doit être automatique et non comparative, en se basant pour les compositrices et compositeurs de musique contemporaine à la fois :
- sur la moyenne des revenus d’artiste-auteur des trois années précédentes (2017 à 2019, sauf pour celles et ceux en début d’activité), afin de prendre en compte les revenus habituels lissés ;
- sur le taux de fermeture des salles et arrêt de l’activité de concerts sur l’année, soit 50% pour 2020, afin de prendre réellement en compte la perte de revenu qui sera étalée sur plusieurs années.
Par ailleurs, beaucoup de mesures excluent les créatrices et créateurs les plus précaires ou bien débutant leur activité, qui sont souvent également précaires. C’est notamment le cas de l’abattement sur les cotisations sociales pour 2020. Le SMC demande à ne pas conditionner les aides à un minimum de revenus d’artiste-auteur et qu’une aide minimale forfaitaire soit proposée en-deçà d’un certain revenu minimum.
Modalités et communication
Les modalités d’attributions des aides sont jugées très complexes : souvent beaucoup de documents sont à fournir avec un travail administratif que peu de compositrices et compositeurs ont le courage d’entamer. La démarche doit être simple et donc se baser sur les informations déjà connues par l’État (déclarations fiscale et sociale), sans que les compositrices et compositeurs aient à déclarer de nouveau leurs ressources.
La distribution déléguées aux organismes de gestion collective plutôt que directement par l’État amplifie cette lourdeur : une nouvelle aide doit plutôt être distribuée sur le modèle du fonds de solidarité nationale.
Par ailleurs, moins de 50 % des compositrices et compositeurs interrogé·e·s avaient une réelle connaissance des dispositifs auxquels elles et ils pouvaient prétendre ; l’information faite par le syndicat en amont de l’enquête a jouée un rôle clé. Le SMC demande que la communication des pouvoirs publics vis-à-vis des compositrices et compositeurs – et aux artistes-auteurs de manière générale –, quant à leurs droits soit revue de fond en comble avec la mise en place d’un interlocuteur unique.
Mesures complémentaires
En plus d’une aide financière et afin de compenser au moins partiellement les pertes de droits d’exécution publique en salle par ceux de diffusion radiophonique, le SMC demande à ce que la diffusion des œuvres dans l’audiovisuel public en général, et sur France Musique en particulier, augmente massivement tant que les salles de concerts n’auront pas retrouvées leur fréquentation habituelle.
D’autre part, il est nécessaire de soutenir massivement la reprise d’activité de tout l’écosystème de la création contemporaine, extrêmement fragilisé, afin qu’il puisse retrouver la capacité de commandes d’œuvres d’avant-crise, voire même la dépasser. Pour cela :
- un budget spécifique doit être fléché vers les ensembles, orchestres, opéras, scènes nationales, centres nationaux de création musicale, conditionné à une importante politique de commande de leur part ;
- le dispositif d’aide à l’écriture d’œuvre musicale originale doit être revu selon les préconisations émises par le SMC tout en bénéficiant d’un budget accru pour les années à venir.